Paul HEGUY

Dans la chambre l’enfant dort. Il rêve. La pénombre vient d’envahir ce lieu paisible, seule une douce lueur parcourt encore les jouets restés épars sur le tapis. Rien ne venait troubler le repos de ce jeune bambin, quand soudain, ses membres s’agitèrent sous les draps et sa petite tête brune disparaissait sous l’oreiller. Il avait peur, il se cachait et je l’observais. Je pénétrais le fond de son imaginaire pour comprendre les raisons de sa frayeur. Je voyais à mon tour le plafond de la pièce se détacher comme les éléments d’un puzzle et voler en éclat. Ces fragments de carton colorés, rouge, bleu, jaune ou vert s’écroulaient autour de lui, tandis que les meubles désarticulés se soulevaient de terre. Les kaplas du grand père se marquaient d’étranges fissures, telles des insectes qui explosent leurs pattes multiples sur les parois des murs. De bizarroïdes étoiles dans des rectangles ! des formes abstraites dans de grands carrés ! Un livre au milieu des gravas ! Que fait-il dans ce délire ? Un, deux, trois arbres marchent sur l’eau à la recherche d’une île. Un objet flottant arrive de nulle part à leur secours et leur sert d’appui. Pour combien de temps ? Des pinceaux pour tout remettre dans l’ordre… Une usine sans fumée… du mauve, non, du violet ! L’enfant voyait son petit monde se décomposer sous ses yeux clos. Il assistait à ce désastre, à la folie des hommes, impuissant. Il avait chaud, des gouttes de sueur perlaient sur son front. Etait-il en train de vivre la fin du monde, la fin d’un monde ? Quel bouleversement ! Pourquoi ce silence ?